Comment aider nos enfants à maîtriser leur colère ?

21 novembre 2022
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Auteur: Blog iepra

La colère est une émotion transformatrice et énergisante, parfois agressive… Nous la ressentons toutes et tous dans un moment de crise et, de ce fait, la connaissons bien. Elle nous fait parfois penser ou agir de façon brusque et irréfléchie.

Pour certains parents, cette émotion est malsaine et doit être réprimée, effacée, pratiquement nullifiée chez leurs enfants. Rien de plus dangereux pour les adultes qu’ils deviendront ! En effet, même si on se force à l’ignorer, la colère existe, persiste, et peut faire des ravages intérieurs si elle n’est pas exprimée. Elle peut par ailleurs s’avérer tout à fait utile pour opérer les changements et ajustements nécessaires lors de la croissance d’un enfant.

Comment aider nos enfants à prendre conscience de cette énergie intérieure, parfois si déstabilisante et destructrice, la maîtriser et la réorienter ?

1. Gérer les réponses émotionnelles / Gérer ses émotions

Nous aurions tort de croire que les émotions traduisent une certaine faiblesse de caractère, en particulier chez nos enfants. Il n’en est absolument rien : il ne faut pas confondre la cause d’une émotion, la façon dont nous l’appréhendons et ses effets sur nous et sur les autres.

Il est grand temps d’oublier le principe éducationnel – dépassé et dangereux – selon lequel « ce n’est pas bien de montrer ses émotions ».

Les émotions sont des signaux… et des besoins

Notre cerveau s’est constitué au cours de millions d’années comme les différents étages d’une fusée, ou plutôt comme un jeu de LEGO très complexe où des niveaux fonctionnels, de plus en plus sophistiqués, se sont emboîtés les uns sur les autres.

À la base de celui-ci se trouve notre « cerveau reptilien », celui qui assure notre survie et veille sur notre bien-être. Il est chargé d’identifier immédiatement les stimuli de l’extérieur et envoie dans notre organisme les signaux qui lui semblent appropriés dans la situation en cours : les émotions. Celles-ci ont donc pour fonction de nous avertir : notre corps s’y conforme et nous n’avons pas le temps de réaliser ni de comprendre ce qui nous arrive. L’émotion de base est la peur (« fuir ou combattre »), qui est une forme plus aiguë de la colère. Si, dans la colère, la menace est immédiate, elle n’est cependant pas évaluée comme dangereuse. La peur, en revanche, signale parfois un risque vital.

Les émotions traduisent donc des ressentis immédiats, mais aussi des besoins plus profonds. Nous devons apprendre à mieux les connaître et les maîtriser. En effet, lorsque nous sommes en mesure de le faire, nous pouvons transmettre cette expérience de valeur à nos propres enfants.

Les enfants sont des éponges émotionnelles

Lors des premières années de l’enfance, nos chérubins absorbent toutes les expériences qu’ils sont amenés à vivre ou à observer. Telles de véritables éponges, ils nourrissent leurs neurones d’une foule de sensations, d’images, de scènes, qu’ils stockent de façon brute, sans filtre.

Ils sont également témoins passifs ou actifs de nos propres tentatives – réussies ou ratées – à maîtriser nos émotions. Ce faisant, ils se forgent une perception de la réalité. Notre attitude morale face à la colère, à son expression, à ses conséquences, dictera en quelque sorte ce trait de personnalité chez ces adolescents puis adultes en devenir. C’est pourquoi il est nécessaire de savoir gérer sa propre colère avant d’encourager nos enfants à gérer la leur.


2. Comprendre le cycle de la colère

Il est fondamental de comprendre que la colère obéit à un certain schéma d’apparition, de développement et de résolution. C’est une véritable « histoire » que nous nous racontons. Et la fin est bien souvent la même, à moins que nous changions ce scénario si familier !

Le point de vue bouddhiste du Dalaï-Lama

Confronté dès sa jeunesse à la violence du régime communiste chinois, le Dalaï-Lama reconnaît sans difficulté avoir souvent ressenti de la colère. Et il y a de quoi ! À seulement vingt-quatre ans, le jeune haut dirigeant bouddhiste doit quitter précipitamment son pays, le Tibet, en 1959, chassé par les armées de son puissant voisin qui annexent purement et simplement cet État souverain, indépendant depuis des millénaires. S’ensuit une violente politique de répression, de « rééducation » et de destruction systématique de la culture tibétaine. Paradoxalement, la fuite du Dalaï-Lama l’obligera à s’ouvrir sur le monde et à transformer sa vision du bouddhisme, tout en faisant connaître les immenses trésors de cette philosophie auprès de scientifiques de renom en matière de neurosciences et d’imagerie cérébrale.

Malicieusement interrogée à Édimbourg, par un journaliste, à propos de la différence d’efficacité et de rapidité entre la compassion et la colère, Sa Sainteté fut très claire : selon le Dalaï-Lama, si la compassion est absolument indispensable pour améliorer les relations humaines, il est également nécessaire et naturel de considérer avec bienveillance ce qu’il appelle la « juste colère » : l’énergie du changement face à une injustice criante. Partagée par les dizaines de milliers de Tibétains qui ont dû prendre la voie de l’exil et qui, encore aujourd’hui, sont obligés de vivre au Népal ou dans le nord de l’Inde, cette « saine colère » mobilise leurs forces pour, un jour, se rétablir dans un Tibet libre et indépendant.

La différence fondamentale entre colère et haine

Le cas du Dalaï-Lama est éloquent. En effet, s’il affirme éprouver de la colère envers les envahisseurs chinois, il ne nourrit cependant pas de haine à leur égard. La haine, ou désir de nuire voire de détruire les autres, est différente de la colère. La colère vise à dépasser un obstacle, améliorer la situation en général. La haine est en quelque sorte une « surréaction », une exagération du sentiment de malaise et de rejet violent de ce même malaise que nous ressentons. C’est à ce moment précis, lorsque la colère se traduit dans les actes, qu’il est possible d’agir.

Cependant, si nous ne prenons pas garde à ces séquences colériques, à leurs tenants et aboutissants, elles risquent de se répéter pratiquement à l’identique, comme une pièce de théâtre sans fin. C’est là que réside le risque majeur du « cycle de la colère » : celui de ne plus pouvoir en sortir, à moins d’un effort suprême de volonté, alors que la pratique calme et patiente du « décodage » de la colère peut aider efficacement nos enfants à transformer leur ressenti et rediriger leur colère vers le changement. Elle devient alors « saine », voire souhaitable, si on sait la maîtriser !

 

3. Quelques conseils pour aider votre enfant à maîtriser sa colère

Maintenant que nous avons pu explorer le sens des émotions et leur importance cruciale dans le développement de nos enfants, comment pouvons-nous les aider à harnacher cette énergie formidable que mobilise la colère ?

1. Créer une atmosphère propice à l’expression des émotions

La première étape consiste à faciliter l’expression des émotions brutes de la part de vos enfants. Pour cela, il faut leur permettre de laisser libre cours à leurs ressentis. Si vous leur laissez l’espace-temps pour s’exprimer, pour verbaliser ce flot d’informations qui les submerge, vous pourrez expliquer avec patience ce qui se pense en eux-mêmes, et mettre un nom simple, comme joie, colère, peur… 

2. Leur apprendre à nommer les émotions

Les émotions sont souvent bouleversantes pour nos enfants, et les changements hormonaux intervenant à l’adolescence ne facilitent pas la perception correcte de ces pulsions ou ressentis soudains.

Pour leur permettre de comprendre ce qui leur arrive, utilisez par exemple les émotions faciales tirées d’un manga. Sur cette planche de dessins tirée d’un article de Wikipédia sur les émotions, ils pourront constater que les émotions sont universelles, que chacun peut les reconnaître, y compris dans des cultures différentes, sur d’autres endroits de la planète. Il faut notamment reconnaître clairement la colère chez votre enfant et l’aider à détailler ses caractéristiques, comme la montée de la chaleur, les rougeurs, les poings qui se serrent, la respiration qui s’accélère, etc.

3. Accueillir et accepter la colère, en respirant

La colère, en tant qu’émotion, est un signal immédiat envoyé par notre corps. Il faut donc l’accepter en tant que tel – car cela ne changera pas tout au long de notre vie – et respirer profondément pour « accueillir » la colère en la reconnaissant et en la nommant. Il est préférable de dire « je ressens de la colère », plutôt que « je suis en colère », afin de bien détacher le ressenti de l’état d’esprit et le moi. Ce moment permet de relâcher la tension, d’éventuellement s’éloigner physiquement de la personne ou des personnes à l’origine de l’émotion.

Enfin, il faut assumer la responsabilité de la colère : la colère naît chez notre enfant de sa perception de la situation en question, qu’il faut analyser.

4. Reconnaître la blessure émotionnelle

La colère nous signale une souffrance qu’il faut clairement identifier pour en connaître la cause, et ainsi la résoudre « à la source ». Il ne faut donc pas identifier les messages envoyés par nos coups de colère, même si nous ne pouvons pas correctement les interpréter sur le moment, mais la source de la colère.

En tant que parents, nous pouvons aider nos enfants à « débriefer » une situation conflictuelle qu’ils auront vécue, et la manifestation de sa colère. Petit à petit, nous les aiderons ainsi à ramener la rationalité au bouleversement émotionnel ressenti. Nous pouvons leur enseigner à « décoder la colère ». Il est important de savoir qu’une blessure a été ressentie par l’enfant, mais que c’est sans doute sa perception personnelle et subjective.

5. Appréhender différemment la colère des filles

Culturellement, dans nos sociétés à dominante patriarcale, les petites filles sont soumises à plus d’exigences au niveau de leur comportement social. Elles doivent être « sages », ce qui est bien entendu incompatible avec les accès de colère. Pourtant, il faut les aider à exprimer cette émotion de façon saine, pour ne pas encourager passivement leur transformation en « vilaine fille ».

6. Pratiquer la Communication Non Violente (CNV)

Une piste tout à fait intéressante à privilégier – et notamment pour les filles – est l’apprentissage de la Communication Non Violente inventée par le psychologue américain Marshall Rosenberg. Aussi bénéfique pour nous que pour notre enfant, elle permet d’exprimer son ressenti en quatre étapes claires et non conflictuelles (OSBD) :

  1. Observation : décrire la situation en toute objectivité ;
  2. Sentiment : exprimer son ressenti sans interpréter ;
  3. Besoin : dire le besoin ressenti à la suite de l’observation ;
  4. Demande : demander à l’autre d’ajuster son comportement afin que le besoin exprimé soit satisfait.


Conclusion

La colère est une émotion comme une autre, mais elle présente l’étonnante capacité de mobiliser nos forces, notre énergie, toutes nos facultés physiques et cognitives vers l’élimination de ce qui nous semble être une menace, au niveau instinctif, donc inconscient. La plus difficile et la plus controversée de toutes les émotions est bel et bien la colère, qu’il faut savoir ne pas ignorer ni réprimer chez nos enfants.

Il est tout à fait possible d’apprendre à reconnaître, maîtriser et rediriger la colère de nos enfants. Nous pouvons créer tout un environnement propice à l’épanouissement des adultes qu’ils deviendront, en leur facilitant l’expression de leurs ressentis tout en établissant des limites claires.

Dans certains cas, l’expérience d’un thérapeute ou praticien peut s’avérer inestimable pour débloquer des cas d’accès de colère, voire des problèmes de relations sociales dans une classe ou un groupe d’enfants. Il ne faut pas hésiter à consulter dans ce cas !

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