Contrairement à tous les autres composants de notre organisme, le cerveau est le seul organe que des milliers de psychiatres soignent quotidiennement sans pour autant l’analyser – ni le connaître – concrètement. À l’heure des technologies de pointe, comment se fait-il que ce paradoxe soit encore en cours actuellement ?
Daniel AMEN, psychiatre clinicien américain, après pratiquement une vie d’études et d’imagerie scientifique (les scintigraphies) nous en livre les résultats… surprenants !
Une vocation militaire… différente.
Provenant d’une grande famille de sept enfants, le futur docteur AMEN s’est très tôt distingué comme étant un non conformiste. Intégré à l’armée en 1972, il ne souhaite pas cependant finir sur le champ de bataille et se forme en radiographie.
Rapidement, il se passionne pour l’imagerie médicale, attiré par les possibilités d’investigation de ces technologies alors en plein boom.
En 1979, alors qu’il est étudiant en deuxième année de médecine, un membre de sa famille, gravement suicidaire, est sauvé par un psychiatre. C’est une révélation progressive mais déterminante pour Daniel qui va ainsi décider de sa vocation : la psychiatrie par l’imagerie médicale.
En effet, en sauvant cet homme de l’autodestruction, ce n’est pas seulement une vie qui a pu être épargnée, mais également celle de toute une famille, toute une ascendance. Les bénéfices de cet acte médical “éclairé” sont immenses !
Et la passion initiale de Daniel AMEN devient ainsi une authentique obsession, le but d’une vie : regarder le cerveau, l’étudier sous toutes les coutures, pour enfin… mieux le comprendre et le soigner.
Une révolution technologique et individuelle
En 1991, Daniel AMEN découvre lors d’une conférence l’imagerie cérébrale SPECT (Tomographie par émission monophotonique). Il s’enthousiasme réellement pour les perspectives qui s’ouvrent à lui car – enfin – il pourra voir, apprendre, comprendre, et traiter ses patients sans pour autant le faire “à l’aveugle”.
En effet, depuis des générations, les “médecins du cerveau” ne font qu’imaginer ce qui se passe à l’intérieur des crânes, traitant les drames extérieurs, les symptômes, sans pour autant les corréler avec un début d’observation scientifique rigoureuse. Contrairement aux cardiologues, neurologues, orthopédistes ou pratiquement toutes les autres spécialités médicales, les psychiatres ne font que… supposer ! Comme en 1840, du temps d’Abraham Lincoln : incroyable, non ?!
Cet état de fait déplorable, hautement préjudiciable pour la majorité des patients, devait désormais cesser pour Daniel et son équipe qui s’étaient fixés – pour mettre un terme à cette aberration – une ambitieuse mission !
Le début d’une extraordinaire aventure…
Daniel et ses collègues ne se doutaient pas qu’ils s’engageaient alors corps et âme dans une formidable tâche qui allait couvrir 22 ans de leur vie et de leurs efforts : créer la base de données de scanners du cerveau la plus grande au monde !
Réaliser ces images, en commençant par les lésions constatées chez les joueurs de football américain, les collecter dans 93 pays, et surtout les associer aux symptômes et leurs traitements, en mesurer l’impact et les bénéfices, allait tout changer.
De la façon la plus basique, l’imagerie SPECT permet de déterminer trois états du cerveau : une activité “bonne”, trop élevée ou trop faible. Mais de nombreuses subtilités, des différences individuelles aboutissant à d’énormes écarts peuvent être ainsi mis en lumière par l’imagerie médicale.
Cas criminels ou pathologiques ?
Dans tous les cas, les images permettent de réduire les marges d’erreur de diagnostic et sauvent des vies. Y compris lorsqu’il s’agit de drames humains ou sociétaux comme la tuerie du lycée de Colombine, dont les deux auteurs étaient deux garçons qui, correctement diagnostiqués et traités, auraient pu vivre leur existence en paix et de façon complètement normale.
Au lieu de cela, ils auront emporté avec eux dans leur “folie” meurtrière plus d’une dizaine d’autres jeunes et un professeur. Et les massacres se poursuivent, notamment aux États-Unis d’Amérique, sans pour autant qu’une saine remise en question soit faite entre ce qui est un “crime” et un “cas de santé publique”.
En effet, lorsqu’il s’agit de traiter le cerveau de malades, il convient de citer le célèbre Dostoïevski : “Une société devrait être jugée non pas à sa manière de traiter les citoyens remarquables, mais à la manière dont elle traite ses criminels”.
Ainsi : doit-on marginaliser les enfants atteints de troubles de déficit de l’attention et d’hyperactivité (TDAH) ? Un entraînement approprié – basé sur l’analyse du scanner de son cerveau – a permis à une adolescente de se réinsérer.
Autre cas : une épouse était diagnostiquée de “démence” et son mari était désespéré. Mais un programme de réhabilitation cérébrale a enrayé cette dégénérescence pour de bon.
La grande leçon finale sur le cerveau
Le cerveau est comparable à une grosse motte de beurre mou protégé par une carcasse d’os très solide. Cela ferait rire les enfants !
Mais cette “masse” a une capacité extraordinaire : avec un entraînement cérébral correct, son flux sanguin s’améliore, de même que la mémoire et l’humeur.
Au bout de toutes ses années d’étude, de diagnostics et de traitements, il apparaît clairement au docteur AMEN que le cerveau n’en a pas fini de nous en apprendre sur lui-même.
Et que – surtout – rien n’est absolument définitif, surtout pas en matière de diagnostic !
En effet, un cerveau peut changer, peut évoluer, peut s’améliorer, et avec lui les symptômes accompagnant la pathologie.
Avec des traitements adéquats, les patients peuvent s’intégrer dans la société, retrouver une vie normale, devenir de meilleures personnes : aidantes, aimantes, collaboratives et ouvertes.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Andrew : un jeune homme qui, enfant, se dessinait perché sur un arbre en train de tirer sur d’autres enfants, avant d’attaquer sans raison une petite fille.
- Si quelqu’un avait pris le temps de regarder son cerveau, on aurait vu un kyste de la taille d’une balle de golf au niveau de son lobe temporal gauche;
- Si on l’avait traité en psychiatrie normale (à l’aveugle), on l’aurait médicamenté de façon massive, et irrémédiablement compromis sa vie.
Mais aujourd’hui Andrew est un citoyen normal, avec un job et des impôts.
Il vivra sa vie, et embellira celle de ceux qui partageront son existence.
Andrew est le neveu du Docteur AMEN.
Il a été sauvé par un scanner.
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