Les souvenirs sont enregistrés dans notre mémoire sous la forme de combinaisons spécifiques. Chaque mémoire correspond à la configuration particulière d’une activité. Ces informations se propagent progressivement dans les réseaux de neurones postsynaptiques sous formes électriques. Mais comment ces souvenirs se forment-ils et se consolident-ils dans notre mémoire ? Comment peut-on faire en sorte de décharger la mémoire de son fardeau émotionnel ?
Comment fonctionne la mémoire ?
Lorsque nous sommes confrontés à un événement important, notre mémoire conserve certaines informations. Cela se produit plus souvent lorsqu’il s’agit d’un événement marquant dans notre vie. Nous avons tendance à nous souvenir de ce que nous faisions durant ce laps de temps. Ces souvenirs instantanés sont souvent très clairs, c’est ce que nous appelons des mémoires « flash ».
Il existe aussi les mémoires « flashbulb » dont nous nous souvenons vivement, mais qui sont plus exposées aux changements. En général, ces souvenirs sont également en rapport avec des événements impactants. C’est ce qui nous permet de nous en souvenir régulièrement. Nous avons tendance à les évoquer lors de nos échanges avec d’autres personnes, en modifiant peu à peu les faits au cours du temps (parce que, notamment, le ressenti n’est plus le même qu’au moment où nous les avons vécus).
Pour comprendre le fonctionnement de notre mémoire par rapport aux souvenirs, il faut se focaliser sur les neurones. En effet, la génération d’une nouvelle mémoire nécessite un ajustement entre les connexions des neurones. Chaque nouveau souvenir modifie la façon dont les neurones du cerveau communiquent à travers la synapse. Pour construire des souvenirs qui durent des années, les neurones doivent créer de nouvelles protéines. Quand un souvenir nous revient en tête, c’est comme si tout le processus recommençait depuis le début, créant ainsi de nouvelles protéines. Il est courant que, lorsque nous racontons un souvenir, les détails se mélangent avec le présent ou avec des histoires racontées par d’autres personnes dans le même contexte. Beaucoup de ces changements sont également liés à des expériences vécues. Prenons l’exemple des souvenirs de notre premier rendez-vous amoureux. Ils changeront sûrement après une rupture traumatique. De même, un événement triste peut ne pas paraître grave si nous parvenons à sortir de l’expérience avec succès. Par conséquent, nos souvenirs changent avec les expériences que nous vivons, en y ajoutant des informations ou en réduisant leur importance..
Où sont stockés les souvenirs dans notre cerveau ?
Les souvenirs ne sont pas stockés dans une seule partie du cerveau. Ils sont stockés dans différentes régions cérébrales interconnectées. Pour la mémoire explicite, qui fait référence à des événements de notre vie passée (mémoire épisodique) ainsi qu’à des connaissances et des faits (mémoire sémantique), ces informations sont stockées de manière délibérée dans trois zones importantes de notre cerveau : l’hippocampe, le néocortex et l’amygdale. Les souvenirs implicites font plutôt référence aux différentes habitudes et compétences acquises au cours du temps. Ces informations sont situées dans les noyaux gris centraux et le cervelet. La mémoire de travail à court terme se concentre principalement sur le cortex préfrontal.
La mémoire explicite :
Elle implique trois zones principales de notre cerveau.
La première est l’hippocampe, situé dans le lobe temporal du cerveau. C’est là que se forment les souvenirs épisodiques, autobiographiques. Cela concerne des événements spécifiques de notre vie, comme les sorties entre amis le week-end ou une réunion au travail.
La seconde est la zone du néocortex. C’est la plus grande partie du cortex cérébral. Elle est impliquée dans des fonctions supérieures telles que la perception sensorielle, la génération de commandes motrices, le raisonnement spatial et le langage. Au fil du temps, les informations de certains souvenirs stockés temporairement dans l’hippocampe peuvent être transférées vers le néocortex en tant que connaissances générales.
Enfin, l’amygdale est la zone la plus importante de notre mémoire explicite. C’est une structure en forme d’amande dans le lobe temporal du cerveau, qui accorde une importance émotionnelle aux souvenirs. Ceci est particulièrement important parce que les souvenirs émotionnels forts sont difficiles à oublier.
Il y a un autre aspect important concernant l’implication de l’amygdale dans la mémoire. En effet, cette zone modifie non seulement la force et le contenu émotionnel des souvenirs, mais elle joue également un rôle clé dans la formation de nouveaux souvenirs spécifiquement liés à la peur. Comprendre comment l’amygdale traite la peur est assez pertinent pour appréhender les troubles de stress post-traumatique.
Ces troubles affectent les victimes ayant vécu un événement violent, une catastrophe naturelle ou tout événement dans lequel ils ont été exposés à des situations traumatiques. L’anxiété dans des situations d’apprentissage est également susceptible d’impliquer l’amygdale. Il faut noter que les interactions entre l’amygdale, l’hippocampe et le néocortex sont cruciales pour atteindre la stabilité d’une mémoire, c’est-à-dire l’efficacité de sa conservation dans le temps.
La mémoire implicite :
Comme déjà évoqué, deux zones du cerveau sont impliquées dans la mémoire implicite. Il s’agit des ganglions de base et du cervelet.
Les noyaux gris centraux sont des structures sous-corticales du cerveau. Ils sont impliqués dans un large éventail de processus, tels que l’émotion, le traitement des récompenses, la formation d’habitudes, le mouvement et l’apprentissage. Ces ganglions de base jouent un rôle particulièrement important dans la coordination des séquences d’activité motrice, comme apprendre à danser ou jouer de la musique. Ce sont les régions les plus touchées par la maladie de Parkinson, comme en témoignent les mouvements altérés des patients atteints par cette maladie.
Le cervelet est plutôt une structure séparée, qui se situe à la base arrière du cerveau. Cette zone est la plus importante dans le contrôle de la motricité fine, qui nous permet d’utiliser des baguettes ou d’appuyer un peu plus doucement sur cette touche de piano.
La mémoire de travail :
Connue aussi sous le nom de cortex préfrontal, c’est la partie du néocortex qui se situe à l’avant du cerveau. Cette zone participe à de nombreuses fonctions cognitives complexes. Les études de neuro-imagerie humaine avec IRM montrent que lorsque les personnes effectuent des tâches qui les obligent à conserver des informations dans leur mémoire à court terme, comme un numéro de téléphone, par exemple, le cortex préfrontal est activé. Des études ont également révélé une séparation fonctionnelle entre les côtés gauche et droit de cette zone. En effet, la partie gauche est plus impliquée dans la mémoire des activités verbales, tandis que celle de droite est plus active dans la mémoire des travaux spatiaux, comme se souvenir de l’endroit où un signal lumineux s’est produit.
L’intérêt des souvenirs « modifiables » dans les thérapies
Les résultats d’une expérience menée par une équipe du Collège de Dartmouth et publiés dans Nature Human Behavior, montrent bien que nos souvenirs prennent la forme d’une empreinte digitale dans notre cerveau.
L’expérience regroupe les enregistrements cérébraux de 17 personnes ayant regardé l’épisode de Sherlock et décrit par la suite l’histoire à leur façon. Les différents moments de l’épisode ont été assimilés à des formes géométriques ; les versions racontées par les participants également. En comparant cela à la version originale, les chercheurs ont pu identifier les moments dont les personnes avaient tendance à se souvenir avec précision, ainsi que les parties oubliées ou déformées.
Les résultats de cette expérience ont montré que la déformation de certaines informations peut se produire au moment de leur stockage dans notre cerveau en tant que nouveaux souvenirs. Cela signifie que, même en vivant les mêmes expériences de vie, chacun aura une version différente qui sera enregistrée dans sa mémoire. L’objectif des chercheurs est de pouvoir utiliser cette approche scientifique dans d’autres domaines, comme celui de la santé et de l’éducation.
Même si l’idée que nos souvenirs puissent changer au moment de leur stockage dans notre mémoire semble être décevante pour certains, pour les personnes atteintes de troubles de stress post-traumatique, c’est une bonne nouvelle . En effet, grâce à la thérapie, ils pourraient changer les souvenirs traumatisants pour décharger leur mémoire de leur fardeau émotionnel. Comprendre les bases neurales de la mémoire et les causes de ses dysfonctionnements dans diverses maladies psychologiques est l’un des plus grands défis actuels. Ces études sont d’une importance prioritaire pour la société vu l’augmentation du taux de stress et de traumatismes. La recherche dans ce domaine a connu un essor considérable. Aujourd’hui, le fonctionnement du cerveau et les mécanismes neuronaux, qui nous permettent de garder des traces des événements passés et de nos expériences de vie, ont révélé une partie des secrets de ce mystérieux organe du corps humain.
Par conséquent, nous assistons à une étape des neurosciences où il devient possible d’établir une carte neurobiologique des fondements du changement en psychothérapie. Dans cette étape, il est possible de construire une psychothérapie fondée sur la neurobiologie. L’un des piliers de cette carte neurobiologique du changement est le processus de reconsolidation de la mémoire. L’idée centrale est que le changement se produit à partir de l’activation des souvenirs et des émotions associés à un certain événement. À ce moment, la mémoire est considérée comme débloquée et est capable d’incorporer de nouveaux éléments dans le processus de reconsolidation. Dans ce même contexte, il est prouvé que l’excitation émotionnelle est importante pour le succès de nombreuses formes de psychothérapie.
La reconsolidation de la mémoire semble être le processus neurophysiologique fondamental pour viser un changement transformateur de la thérapie. Actuellement, diverses thérapies qui fonctionnent à partir de ce concept sont basées sur la transformation de la mémoire émotionnelle afin de traiter différentes pathologies psychologiques.
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Ulrike Weissenbacher