En tant qu’intervenants dans le domaine du bien-être, nous nous adressons aux réseaux de souvenirs traumatiques. Est-il réellement possible d’effectuer un travail de fond sans la moindre souffrance, sans abréaction ni risque de (re)traumatisation ? Quelle attention apporter à nos propres paroles de soignants ou d’aidants ? Quels en sont les effets positifs ou négatifs ?
C’est ce que nous allons développer dans cet article…
Qu’est-ce qu’un traumatisme iatrogène ?
La traumatisation iatrogène se dit d’une manifestation pathologique (maladie, psychose ou tout effet indésirable ayant des conséquences néfastes sur l’état de santé) se déclarant suite à un acte pratiqué par un professionnel de la santé, sans qu’il y ait eu erreur de la part du praticien.
La nécessité pour certains médecins de se blinder émotionnellement en réponse aux confrontations quotidiennes de situations de vie et de mort, et leur manque de formations en lien avec la psychologie du patient ne sont-ils pas problématiques ?
Je me souviens d’une soirée en particulier, en période d’examens à l’université, où, faisant partie d’une fraternité, nous nous retrouvions quand c’était possible le mercredi soir, dans une brasserie du centre de Bruxelles. Au cours d’une de ces soirées, l’un de nos amis, médecin en spécialisation, peut pour une fois nous rejoindre. Pierre arrive et, avant même de s’asseoir, nous dit tout heureux : « Comme je suis content de pouvoir vous rejoindre ce soir ! Le bébé dont j’avais la garde est décédé, du coup j’ai pu finir plus tôt et vous rejoindre ! ». Toutes les personnes présentes restent tétanisées. Je demande à Pierre s’il se rend compte de ce qu’il vient de dire. Là, il réalise la portée de ses paroles. Nous en discutons, il nous explique qu’il assiste à cela tout le temps et que pour survivre, psychiquement parlant, il doit se blinder et se couper de ses émotions.
Beaucoup d’intervenants en relation d’aide peuvent s’approcher, sans nécessairement s’en rendre compte, de cet état limite, proche du burn-out du thérapeute : la fatigue de compassion (en anglais « compassion fatigue« ).
Certains intervenants vont rentrer dans un fonctionnement où certaines de leurs parts contrôles (appelées les « Managers » en Ego States), vont tout faire pour garder la mainmise sur le système en étouffant les fardeaux (angoisses, anxiété, peur, colère) des parties blessées (les « Exilés »).
De plus, leur style d’attachement, c’est-à-dire leur sécurité affective et émotionnelle produite par la stabilité et l’amour reçus de leur environnement (généralement familial), va également profondément influencer leur comportement.
Un attachement insécure détaché ou évitant donnera des personnes avec un aspect froid, coupées des émotions, alors que des personnes avec un attachement insécure anxieux chercheront probablement à sauver l’autre sans compter, ni se protéger, ni poser des limites claires au lien thérapeutique.
Tout d’abord, précisons que, quelles que soient nos raisons d’entamer un travail thérapeutique, nos sous-personnalités (ces parts ou parties de nous-mêmes telles que nommées en Ego States, et qui ont pour fonction de nous protéger d’une blessure ou d’attirer notre attention sur celle-ci afin de la traiter) ne souhaitent absolument pas risquer de refaire souffrir cette part blessée. Elles sont profondément bienveillantes vis-à-vis de nous-mêmes. Cependant, il arrive qu’elles ne soient pas d’accord entre elles et s’opposent l’une à l’autre. Cette opposition est une porte ouverte à la reconnexion au fardeau des Exilés et à une (re)traumatisation potentielle. Si ces parts sont de force égale, cela peut générer une paralysie du système, l’une désirant faire quelque chose, et l’autre éviter ce quelque chose. La procrastination devient alors la seule possibilité du système qui est mis en échec par ces volontés opposées.
Le rôle du cerveau émotionnel dans les risques de retraumatisation
Force est de constater qu’un travail de désensibilisation, pour qu’il soit efficace et réparateur à long terme, va irrémédiablement nous amener à nous replonger dans ces réseaux de souvenirs difficiles. Notre cerveau ne pourra quasi pas faire autrement que de réactiver l’ensemble de ces réseaux mémoriels, avec tout ce qui y a été enregistré pendant cet événement ou en lien avec ce dernier.
Rappelons que nous parlons d’une masse de données de l’ordre de 10 000 000 de stimuli par seconde, qui regroupe également tout ce qui a pu être associé à ces données, depuis notre conception (et même avant, par la transmission génétique intergénérationnelle, l’épigénétique).
Les parts ou sous-personnalités, quant à elles, cherchent à nous éviter cette réactivation de la souffrance. Elles tentent, par tous les moyens, de mettre en place des mécanismes d’évitement et de défense qui ont pour but de protéger cette part blessée ou mieux protéger le reste du système de la victime par rapport à cette souffrance.
Rappelons aussi que notre cerveau émotionnel, qui n’arrive à maturité qu’aux alentours des 25 ans, est incapable de faire la différence entre une pensée, un film, un souvenir ou notre participation passive ou active à un événement…
Notre cerveau émotionnel prend tout au premier degré, comme si nous le vivions ici et maintenant. Si, en plus, nous sommes passifs et subissons cet événement, cela aura comme conséquence de renforcer plus encore la blessure (l’Exilé) et la présence et l’activation de protecteurs (Pompiers ou Managers).
C’est l’une des raisons pour lesquelles les thérapies conversationnelles pures sont souvent en difficulté lorsqu’elles cherchent à désensibiliser ou retraiter un trauma complexe ; encore plus s’il y a des troubles de l’attachement en jeu. La verbalisation seule renforce le ressenti du trauma. Après un soulagement qui vient certainement de la présence active, du lien ou de l’écoute empathique et compassionnelle, il est utile, en cas de traumas complexes ou troubles de l’attachement, d’aider le système à décharger ce qui a été accumulé et stocké dans nos mémoires tant psychiques que physiques.
Dernièrement, lors d’un exercice de stabilisation, je faisais pratiquer de la TRE (Trauma Release Exercice) à une patiente. La TRE amène un déchargement du système nerveux autonome, directement impliqué dans la gestion du stress et le rééquilibrage du système polyvagal. Pendant ce déchargement, une image remontant aux alentours de ses 7 ans est remontée. Dans ce souvenir, elle court en forêt lorsque soudain, elle s’assomme violemment en se cognant à une branche d’arbre. Au moment où cette image remonte, ses jambes commencent à sprinter d’elles-mêmes, revivant cet événement et terminant l’action qui n’avait pas pu être achevée, tout en ramenant peu à peu le retour au calme tant physique que psychique.
Cette patiente souffre de troubles de l’attachement et de traumas complexes en conséquence à de graves manquements et négligences de ses parents, de la dévalorisation. Elle a développé un ensemble de mécanismes de défense tels que des tocs, des ruminations mentales, des phobies, des formes d’addiction, des comportements excessifs, qui ont pour but de se couper de cette blessure originelle d’abandon. Dans les faits, suite à cet accident, ses parents ne s’en étaient, une fois de plus, pas occupés et l’avaient laissée en l’état jusqu’à ce que la commotion dont elle souffrait s’aggrave et qu’elle finisse hospitalisée plusieurs semaines. Ces « parents » ne lui rendaient pas visite et l’ont laissée telle quelle jusqu’à la guérison.
Lors de ces exercices de TRE (en pendulation voir livre Brigitte Hansoul et Yves Wauthier Freymann, « EFT Clinique, protocoles de traitement » – Dangles 2015), nous réactivons le déchargement du système nerveux autonome par une fatigue musculaire des jambes. La personne se retrouve couchée sur le dos, jambes pliées, et le tremblement devient spontané et libératoire des mémoires traumatiques. Les Navy Seals aux États-Unis pratiquent par exemple ces exercices en retour de mission afin d’éviter ou de limiter les risques de PTSD (stress post-traumatiques).
L’importance de la relation thérapeute/patient dans l’évitement de la retraumatisation
La traumatisation iatrogène trouve donc ses racines dans ce fonctionnement du cerveau. Un mot malheureux, une parole trop crue ou directe, l’absence d’empathie ou de compréhension peuvent imprimer dans notre réseau de souvenirs une marque profonde et une croyance associée relative aux cognitions installées durant notre enfance, notre histoire de vie ou même celle de nos ancêtres (cf. l’expression génétique et la sensibilisation dans un certain contexte de stress des survivants, et de leurs descendants, de la Shoah), avec parfois en prime des croyances familiales installées.
Je me souviens d’une amie qui était persuadée qu’elle mourrait d’un cancer avant ses 40 ans. La famille avait intégré cette croyance du fait que plusieurs femmes de la lignée maternelle, à travers les générations, étaient effectivement décédées d’un cancer avant leurs 40 ans. De là s’était créée une généralisation dans l’imaginaire familial, associée à une croyance fermement installée. Le stress autogénéré par cette croyance affaiblit effectivement les systèmes immunitaires. Cela peut aussi amener à des comportements du type « À quoi bon s’en faire ? Brûlons la chandelle par les deux bouts, de toute façon, il faut que je profite de la vie maintenant ! J’aurai tout le temps de me reposer une fois partie ! ». C’est ce que nous appelons des prophéties autoréalisatrices (cf. le training autogène de Johannes H. Schultz) qui finissent par déboucher sur une réelle mise en danger de la santé de la personne. Cette mise en danger confirme la véracité de la croyance familiale, tout en la renforçant encore un peu plus !
Autre exemple tout aussi parlant, celui d’un ami qui avait été diagnostiqué souffrant d’un cancer du cerveau très difficile à traiter. Le médecin avait commis l’imprudence de remettre un courrier non scellé au patient afin qu’il le remette à son généraliste. Dès sa sortie du cabinet médical, mon ami, bien évidemment curieux, lit la lettre et réalise que l’oncologue rapporte qu’il n’a que 3% de chance de survie. Cela lui détruit instantanément le moral. Mon ami me contacte et je lui dis : « OK, ce sont des statistiques. Cependant, pourquoi une part de toi devrait-elle partir du principe que tu feras partie des 97% ? Centre-toi sur tout ce qui te fait du bien. Va voir ton petit-fils qui vient de naître et qui t’apporte tant de joie. Va voir tes amis et partage de chouettes moments de vie. Prends le temps de te promener entre les différents traitements. Vis un maximum et entoure-toi le plus possible d’amour et d’attention. Focalise ton attention sur la joie, l’amour, la nature… ».
Le résultat fut qu’il sortit de cette épreuve, fatigué, amaigri, mais bel et bien vivant et pétillant de vie…
Quelques mois plus tard, paradoxalement hélas, il effectue un contrôle de routine. Le médecin lui dit : « Il n’y a plus rien, aucune trace nulle part… ». Il ajoute ensuite : « Mais par prudence, ce serait peut-être bien de refaire une radiothérapie, car dans le cas où il y aurait quelque chose que nous ne voyons pas encore, cela enlèverait 50% de chances à une éventuelle récidive ! ».
Le résultat fut immédiat : (re)effondrement du moral de cet ami… L’impact de ces paroles d’autorité ou de figure d’autorité consciente ou inconsciente sera d’autant plus important qu’il mettra en lumière le sentiment d’impuissance du patient par rapport à la situation.
La relation médecin/patient ou psy/patient induit une forme d’autorité et de position haute dont, en tant qu’aidants, nous devons être conscients. Du moins, si nous voulons éviter d’induire des comportements non choisis librement par le patient lui-même, mais qui seraient bel et bien en lien avec les transferts patient/thérapeute ou les contre-transferts thérapeute/patient.
Le danger de la dissociation
Malgré cette volonté d’éviter les émotions difficiles, liées aux réseaux de souvenirs non digérés ni intégrés (appelés communément les traumas), nous sommes forcés de constater que notre cerveau et nos réseaux de souvenirs ne peuvent tout simplement pas éviter l’activation de l’ensemble des données mémorisées. Tous ces réseaux vont de pair avec les émotions, les sensations, les images, les goûts et les saveurs, les odeurs, les ressentis ; tous nos sens y sont impliqués, à moins que l’un de nos systèmes de défense, la dissociation, soit déjà en place.
Pour démontrer à mes élèves ou à des patients l’une des façons dont fonctionne notre cerveau, j’utilise souvent cette phrase : « Je vous interdis de penser à un éléphant bleu ! ». Bien entendu, dès que les mots sont prononcés, nous ne pouvons pas nous empêcher de conceptualiser ce que nous entendons et le mot « éléphant » associé à l’adjectif « bleu » crée instantanément une image qu’il ne nous est pas possible d’éviter.
C’est à la fois un inconvénient, mais aussi un avantage dont nous pouvons prendre parti en thérapie, en hypnose notamment, mais également dans un travail de ressources par exemple.
Dans le cas d’un état « dissociatif », la personne est coupée de ses ressentis émotionnels afin de se protéger de cette souffrance. Ce mécanisme cherche à nous faire oublier un souvenir parce qu’il est non digéré ni encore intégré à notre cadre d’expérience. En conséquence, ce mécanisme de défense nous empêche de nous connecter, ou difficilement, au réseau de souvenirs.
Cet état rend la tâche de désensibilisation bien plus ardue. Pour être dans la capacité de désensibiliser efficacement ce réseau, il nous faudra d’abord et impérativement (ré)accéder à la reconnexion à ce réseau en sortant de cet état de Freeze ou en désactivant les parties contrôles (Managers) présentes ou les parties Pompiers qui chercheraient à éviter ce contact avec les émotions. Une des manières de décharger ces Managers (ou les Pompiers) est de les inviter à (re)faire l’expérience du Self, qui est défini comme cet espace intérieur spontané de calme, d’empathie et de curiosité, bien antérieur aux blessures de vie ; les inviter ensuite à observer le calme induit par la respiration compassionnelle et le tapping par exemple (c’est la technique du Self Emotional Balancing https://www.iepra.com/seb-methode).
Comment (ré)agir, en tant que thérapeute ?
Tous ces exemples nous démontrent la complexité de l’accompagnement et de la relation d’aide.
Il nous faut éviter les projections du thérapeute, éviter de provoquer une retraumatisation (parce qu’une part de nous chercherait une obligation de résultat plutôt que de moyen, ou la volonté de suivre un agenda qui nous empêcherait de respecter le rythme du patient et de ses parts, sans néanmoins laisser ces parts diriger le travail thérapeutique) ; éviter d’être dans nos parts sauveuses ; proposer des cognitions en palettes de 4 ou 5 propositions pour éviter d’influencer le patient ; ne pas forcer le système du patient tout en augmentant sa zone de confort par un travail régulier de désensibilisation au stress (TRE, tapping, cohérence cardiaque, etc.) afin d’augmenter la zone de confort dans notre fenêtre idéale de travail ; être attentifs à la congruence entre les demandes du patient et son anamnèse…
L’évitement de ce risque de retraumatisation n’est possible que si nous sommes conscients de ces risques.
Cela nécessite un travail sur la présence active à partir du Self par différents moyens :
- Des exercices de respiration (voir https://blog.iepra.com/la-coherence-cardiaque-compassionnelle/)
- Inviter nos parts à un dialogue intérieur à partir de notre espace de sérénité
- Une cartographie des parts (Module Self Emotional Balancing III https://www.iepra.com/seb-niveau-3)
- Une promenade dans la nature, en câlinant un arbre par exemple et en prenant le temps d’observer où et comment se traduit cette détente dans mon corps et dans mon cœur
- Un moment d’observation des personnes que nous aimons
- Une visualisation positive
- Exprimer nos besoins et vérifier ceux de l’autre
- Méditer sur l’amour bienveillant ou la gratitude, la présence qui guérit, pour toutes les expériences qui nous ont permis de devenir qui nous sommes
- Ho’oponopono : pratiquer cette forme méditative sous forme de mantra : merci, pardon, je suis désolé, je t’aime
- Les 4 ou 5 accords toltèques : ne préjuge jamais de rien, ne prends rien à titre personnel, fais de ton mieux, aie toujours une parole impeccable (et le cinquième : questionne – doute de – tout)
Cette liste n’est bien évidemment pas exhaustive.
La présence bienveillante, sans jugement aucun, sans attente, de manière inconditionnelle, sans agenda de traitement, va permettre au patient (et surtout à ses parts) de se sentir entendu et compris.
L’accueil des parts du patient va nous permettre de l’inviter à parler pour elles, plutôt qu’à partir d’elles. La récupération d’un espace de parole et d’accueil démarre un processus de « désamalgamage », de désidentification des parts par rapport au patient et ouvre la possibilité d’une reconnexion au Self.
Tout ce travail de réparation des blessures (Exilés) passe par un déchargement des fardeaux (souffrances) et l’intégration de qualités qui fixeront la reconnexion au Self dans le moment présent. Revenir ici et maintenant est une phase importante qui permet de sortir des capsules traumatiques qui sont, elles, figées dans le temps et le passé.
La présence qui guérit, comme peut en parler Jack Kornfield, est notre capacité à nous accorder de l’amour à nous-mêmes. La plupart de nos blessures et traumas, dès qu’il y a eu des blessures d’attachement et d’insécurité émotionnelle et affective dans notre enfance, sont la résultante d’un manque ; le manque d’amour, le manque d’expression d’un amour à notre égard. Quelles que soient les raisons de ce manque à l’époque, ici et maintenant, en tant qu’adulte, j’ai la capacité de m’accorder cet amour. Tout comme un bon parent prend soin de ses enfants, en tant qu’adulte, je prends soin de ces parts infantiles et les amène par l’expression de cette compassion (amour inconditionnel) à me rejoindre, réparées et adultes, ici et au moment présent, dans le Self.
Si nous nous appliquons en conscience à rester dans cet état d’esprit, le travail thérapeutique pourra éviter les retraumatisations et, dans le respect du système et du rythme des parts du patient, atteindre les objectifs et répondre à ses demandes.
Je terminerai ce propos par un témoignage reçu récemment d’une nouvelle patiente. Elle est venue me consulter pour diverses raisons dont l’une était un trauma non digéré en lien avec la perte d’un de ses enfants, une vingtaine d’années plus tôt. À l’âge de 20 ans, cet enfant s’est suicidé, n’arrivant plus à gérer le trop-plein de pression que certaines de ses parts lui mettaient pour réussir ses études. Une perte de sens, une trop grande souffrance et un « Pompier » désespéré l’ont amené à passer à l’acte, alors même qu’il réussissait ses études. Les études en elles-mêmes étaient devenues la source première de stress et de pression.
Une part de cette collègue n’arrivait pas à faire le deuil de son enfant. Ce qui peut sembler naturel et reste par ailleurs souvent figé dans l’imaginaire des gens, c’est qu’il est impossible de se remettre de la perte d’un enfant. Il est clair que la guérison ne sera pas simple, mais est pourtant naturelle. Dans ce cas précis, une part coupable restait figée avec la croyance qu’elle était forcément coupable : coupable de ne pas l’avoir vu à temps, coupable de ne pas avoir pu l’éviter, coupable de ne pas l’avoir sauvé, etc.
Nous avons démarré par un travail de désamalgamage des parts en présence afin de nous adresser à chacune d’entre elles, pas les unes après les autres, mais bien toutes ensemble ! L’un des avantages du modèle SEB est de pouvoir, à un moment du travail, amener les parts à observer le corps de manière à faciliter la reconnexion avec le Self et l’amour inconditionnel.
J’ai donc invité la patiente, tout en stimulant des points d’acupressure, à se mettre en cohérence cardiaque compassionnelle et en même temps à poser l’intention d’envoyer de la compassion (vue comme de l’amour inconditionnel) à ces parts ou à toutes celles qui en avaient besoin ; d’en envoyer aussi à elle-même, à son enfant, à tout son environnement, sans forcer, et à observer si cela se détendait ou si cela activait des parts…
Dans son cas, il y a eu plus de détente et une reconnexion avec le Self dans un espace de grand calme intérieur. J’ai ensuite invité la patiente à déposer dans une grande marmite symbolique tout ce qui pouvait encore subsister de la situation ; à demander à son inconscient de le faire pour elle. Je lui ai demandé de ne plus penser à cette marmite, mais de cligner 3 fois des yeux quand je le lui demanderais… Je l’ai invitée à se concentrer sur une musique qui lui donne la pêche et la rend heureuse, et de vraiment la sentir dans ses tripes, de toutes ses forces. J’ai mis cette musique en session et toutes les 30 secondes, je l’ai invitée à cligner des yeux. Ceci pendant quelques minutes. Nous avons en même temps continué à tapoter le bord des doigts ou des points d’acupressure en lien avec la tristesse (Poumon 5) ou la colère (Foie 3) et les ruminations mentales (RP 6). En quelques minutes, toute la tension est tombée. Je lui ai alors demandé de visualiser tous les bons moments passés avec son enfant, de réaliser à quel point celui-ci n’aurait pas désiré qu’elle souffre, et finalement, s’il y avait une manière d’honorer cet enfant par ce qu’elle pourrait lui dédier dans son quotidien, dans sa vie (afin de lui redonner un sens et un investissement dans le mouvement de la vie).
Ce sont des formes de recadrages qui permettent à la fois de désensibiliser des croyances bloquantes, mais aussi de les mettre en lumière afin de nous en occuper et d’en libérer le patient. Dix jours plus tard, cette patiente m’a spontanément rapporté : « Je n’ai plus eu la moindre pensée intrusive ni d’images envahissantes alors que, pendant les 20 années précédentes, elles étaient quotidiennes », et ceci, avec un grand sourire.
Le travail d’accueil des parts, de centration sur le calme intérieur, de déchargement en Self Emotional Balancing, l’intégration d’une phase de Flash Technique de Mansfield (emdr) et d’une visualisation (sorte de futurisation hypnotique) ont permis, tout en douceur, de finaliser le deuil et d’y intégrer un sens dans le moment présent et pour le futur.
La présence bienveillante est l’une des clés, si pas la clé, d’un travail thérapeutique réussi. L’autre facette importante est d’amener le patient à se (re)donner l’amour nécessaire à son épanouissement, tout comme un enfant a besoin de cet amour pour construire l’estime de soi, la confiance en soi et en dernier lieu, l’affirmation de soi à partir du Self.
Belles réflexion et expérimentation !
Yves Wauthier Freymann
Merci Yves pour ce magnifique article qui remet en perspective la relation d’aide appuyée sur les apports SEB. Non seulement les thèmes essentiels sont revisités (et de quelle manière!) mais l’article dégage une formidable dose d’optimisme et d’énergie …. de quoi commencer la journée avec l’esprit clair et curieux …
Ceci dit, une de mes parts me dit que la (ma) route est encore longue avant d’atteindre ce degré de maîtrise … je viens de lui envoyer de la compassion…
Encore merci et belle journée !
Super article, merci pour ce partage d’experience.