Vous avez peut-être entendu parler de ces réflexes primordiaux, primaires ou encore primitifs. Mais que sont-ils exactement ? En quoi influencent-ils notre évolution et notre vie ? Que se passe-t-il si nous ne les intégrons pas correctement dans notre expérience d’être humain en devenir ? Explorons ensemble ces notions pour mieux les comprendre.
Des mouvements réflexes qui nous sauvent la vie
La Terre abrite une profusion de formes de vie. Elles sont le fruit d’une adaptation constante à l’environnement, aux défis, aux prédateurs. Si notre planète bleue compte autant d’espèces différentes dans le règne animal, c’est parce que leurs mécanismes de survie sont « innés ». En effet, pour ne pas risquer de mourir, les petits nouveau-nés savent déjà comment trouver leur nourriture, et ceci dès les premiers instants de leur existence.
Autrement dit, tous les mammifères, reptiles, insectes, gastéropodes, poissons viennent au monde en connaissant déjà de nombreux actes absolument indispensables à leur survie immédiate. Ils n’ont pas besoin de les apprendre, d’y réfléchir. On appelle ces comportements innés des mouvements « réflexes », car ils ne nécessitent pas d’apprentissage préalable de la part des parents, du groupe social, ou d’effort cognitif particulier. Ils sont purement et simplement inscrits dans une « mémoire » primaire, un peu comme le BIOS d’un ordinateur qui se déclenche lorsque vous appuyez sur le bouton « démarrer ».
La naissance est un moment crucial et essentiel que chaque individu traverse pour pérenniser le destin collectif de la future génération. En effet, c’est à ce moment-là que les nouveau-nés sont les plus vulnérables. Chaque espèce dispose de stratégies variées.
Une incroyable diversité de mouvements réflexes
Les petites tortues de mer réussissent à percer leur coquille dure après s’être nourries du contenu de leur œuf et font ainsi le plein d’énergie. Ensuite, mues par une volonté et un instinct incroyables, elles creusent le sable obliquement vers le haut, avant de dévaler la pente de la plage le plus vite possible pour rejoindre les vagues. Elles affrontent les prédateurs, et beaucoup d’entre elles meurent en quelques minutes.
Les bébés marsupiaux savent d’instinct s’agripper à la poche maternelle et grimper jusqu’en haut avant de s’y glisser.
Les nouveau-nés équidés arrivent à se dresser sur leurs quatre pattes dans les minutes qui suivent leur naissance.
Ces comportements de survie s’étalent sur une durée assez longue et sont très complexes par rapport aux « mouvements réflexes ». Ceux-ci ne durent qu’une à quelques secondes. Par exemple, les petits mammifères tètent le sein ou le pis de leur mère tout à fait spontanément.
Des études scientifiques ont permis de mettre en évidence divers mouvements réflexes se manifestant chez les nouveau-nés. Chez les poissons, on observe des flexions du tronc quand un flux d’eau frappe le côté de l’individu, ou encore des mouvements de godille ou de va-et-vient de leur queue. Chez les batraciens, une stimulation douloureuse d’une patte provoque une flexion de la patte controlatérale, puis des pattes antérieures, avant que l’on assiste à un mouvement de fuite. Chez les petits oiseaux, on a noté des réflexes de flexions des pattes, de battements d’ailes, un relèvement de la queue, avant que la coordination puisse engendrer des essais d’envol. Les mouvements réflexes d’ondulation ou de reptation ont été analysés chez les rejetons de certains squales, d’anguilles ou de serpents.
Les bébés humains ne font pas exception à ces mouvements réflexes. Voyons à présent de quoi il s’agit.
Le rôle des mouvements réflexes humains
Comme nous l’avons vu à travers quelques exemples du règne animal, la nature a su implémenter dans le système nerveux les réflexes nécessaires à la survie immédiate. Les neurones de base sont principalement implémentés au niveau de la moelle épinière, et leur proximité avec les muscles – notamment des membres – permet de « court-circuiter » les fonctions cognitives : pas besoin de réfléchir pour avoir un mouvement réflexe.
Au cours de millions d’années d’évolution, ces réflexes « archaïques » ou « primitifs » se sont ainsi implémentés chez les petits humains. Ils s’acquièrent pendant notre vie utérine, bien à l’abri dans le ventre de notre mère. On peut ainsi observer à l’échographie comment ces mouvements simples et saccadés sont répétés pendant plusieurs minutes par l’embryon qui se prépare à sa future vie terrestre.
Quelques rôles des réflexes :
- Nous protéger (réflexe de peur paralysante ou réflexe de retrait, de parachute…)
- Nous nourrir (réflexes de succion, de fouissement, de déglutition…)
- Nous mouvoir (réflexe de Babinski, de reptation…)
- Nous coordonner (réflexe tonique asymétrique du cou, d’agrippement…)
Si leur but ultime est bien d’assurer notre survie, ils remplissent toutefois plusieurs fonctions différentes :
- La nutrition : pouvoir téter ou sucer, fouir le sol ou écarter des vêtements, déglutir, avaler.
- La coordination : effectuer avec succès des mouvements de plusieurs membres, s’agripper à sa maman.
- Le déplacement : fermer les orteils lorsque l’on touche la plante du pied (comme pour marcher), repter ou ramper.
- La protection : se retirer face à un danger, se recroqueviller.
L’absence ou la présence de ces mouvements réflexes est d’ailleurs constatée par l’équipe médicale lors de la naissance. Les pédiatres y accordent de l’importance à l’occasion des visites médicales successives pendant la petite enfance.
Les trois pôles de nos réflexes primitifs
Selon l’IMP (Intégration Motrice Primordiale), « une approche éducative centrée sur l’intégration des réflexes et mouvements primordiaux », nos réflexes archaïques peuvent être regroupés en trois pôles, ou sphères :
1. Pôle cognitif
Ce pôle centralise les fonctions d’apprentissage, de raisonnement, de mémoire, de décision. On peut y répertorier différents mouvements réflexes primitifs :
- Réflexe de Babinski : nous l’évoquions précédemment. Il consiste à vérifier que le bébé recroqueville bien ses orteils en stimulant la plante du pied à l’aide d’un objet et en allant du talon vers les orteils.
- Agrippement ou « grasping » en anglais : le nourrisson serre très fort un doigt ou tout ce qui est mis dans sa main. On croit que ce réflexe permet au nouveau-né de s’agripper fortement à sa mère en cas de danger. Il disparaît progressivement vers l’âge de deux mois, à la suite de quoi il devient un mouvement volontaire.
- Réflexe tonique asymétrique du cou : appelé également « réflexe de l’escrimeur », il se produit lorsque le bébé tourne la tête vers un côté. Il tend alors le bras du même côté tout en fléchissant l’autre bras. Ce mouvement réflexe prépare à atteindre des objets et à les ramener vers soi pour les observer.
2. Pôle corporel
Ce pôle centralise les fonctions de motricité, de posture et de coordination. On y retrouve notamment les réflexes archaïques suivants :
- Réflexe tonique du labyrinthe : lorsqu’on baisse la tête du bébé vers l’avant, son corps se recroqueville. Symétriquement, la tête mise vers l’arrière entraîne une extension du corps du nourrisson.
- Réflexe amphibien : lorsque le nourrisson soulève le bassin, il fléchit automatiquement le bras, la hanche et le genou du même côté.
- Réflexe de Landau : positionné en position ventrale, face vers le bas, sur l’avant-bras d’un parent, le bébé doit redresser son tronc pour lever les membres et la tête.
- Réflexe spinal de Galant : apparaissant vers la vingtième semaine de grossesse, il consiste pour le fœtus à se mettre la tête en bas, en prévision de l’accouchement.
- Réflexe de marche automatique : tenu en position debout, un nouveau-né bouge les jambes comme s’il allait marcher. S’il n’est pas utile dans l’immédiat pour les humains, il est vital pour certains mammifères.
- Réflexe de nage : plongé dans l’eau, un bébé va spontanément bloquer sa respiration, agiter bras et jambes pour nager. Persistant jusqu’à un an, il faut toutefois prendre garde à ne pas exposer le nouveau-né à un risque d’étouffement voire de noyade.
- Réflexe de rampement : couché sur le ventre, le nourrisson relève son postérieur et allonge ses jambes pour avancer (vers le sein de sa mère).
3. Pôle émotionnel
Ce pôle centralise les fonctions socialisantes, d’estime de soi, de confiance et de gestion du stress . On peut y recenser ces réflexes primordiaux :
- Réflexe d’attachement : le bébé reconnaît la peau de sa mère. Il se renforce également avec le réflexe d’agrippement.
- Réflexe de parachute : le bébé à la verticale va tendre les bras vers l’avant pour parer à une chute.
- Réflexe d’embrassade de Moro (ou du sursaut) : quand il entend un bruit fort ou qu’un mouvement lui fait peur, bébé écarte bras, jambes et doigts avant de les ramener tout près de son tronc en serrant fort. Ce réflexe aide les petits mammifères à rester agrippés à leur mère.
- Réflexe de la peur paralysante : le nourrisson s’immobilise pour simuler la mort.
Que deviennent ces mouvements réflexes primitifs ?
Notre destin est évidemment terrestre et bipède. Notre cortex cérébral doit se développer, et avec lui, toutes les connexions neuronales complexes qui nous permettront d’affirmer nos traits de caractère et la coordination de nos membres et de nos muscles. Il nous faudra des années avant d’atteindre la maturité de toutes ces fonctions, et les mouvements réflexes prendront de moins en moins de place dans notre expérience cognitive.
C’est pourquoi, si les réflexes primordiaux se manifestent à notre naissance et sont répétés pendant plusieurs mois, ils finissent par s’estomper et disparaissent en général durant notre première année d’existence.
Du réflexe archaïque au réflexe « intégré »
Les réflexes archaïques ne disparaissent pas complètement, mais évoluent pour former la base de nos comportements posturaux, de la position de notre corps. Après un processus de conscientisation par le petit enfant, ils sont assimilés et deviennent progressivement des actes volontaires. Selon la littérature de spécialité, on peut dire que jusqu’à notre premier anniversaire, ils connaissent une certaine dynamique en trois temps : développement/changement, crise et maturation.
Le cas des réflexes de défense
Contrairement aux réflexes archaïques qui disparaissent pour être intégrés, les réflexes de défense, présents dès la naissance, ne disparaissent pas. On peut notamment citer le fait de tousser pour écarter un risque d’étouffement, de cligner des yeux ou de bâiller quand la lumière est trop forte. Le réflexe de retrait, pour parer un risque de blessure ou de brûlure, consiste à retirer un membre le plus vite possible.
L’intégration des réflexes primitifs
Le développement normal de l’enfant suppose donc que tous ses réflexes primitifs disparaissent, au bout d’un an après la naissance. Ce phénomène, appelé « intégration », assure un apprentissage correct des bonnes postures, une bonne coordination des mouvements. Or, il est possible que certains événements empêchent l’intégration correcte de plusieurs réflexes primitifs.
Quels sont les facteurs empêchant la bonne intégration des réflexes primitifs ?
Certains événements dans la vie du nourrisson et du petit enfant peuvent engendrer une intégration partielle ou incomplète : un accouchement difficile, par césarienne, le stress de la mère ou du fœtus lors de la grossesse, une naissance prématurée, un choc émotionnel violent, un environnement inadapté au développement harmonieux de l’enfant, le manque de mouvement…
Les risques posés par des réflexes non intégrés
Les réflexes primordiaux – il y en a plus de 70 ! – sont inhibés ou intégrés lorsque le bébé bouge librement et contrôle ses mouvements. Le développement moteur peut alors s’effectuer sans entraves, libéré de ces réflexes archaïques.
Néanmoins, si un ou plusieurs de ces réflexes primitifs ne sont pas correctement intégrés et sont donc « rémanents », différents troubles de l’apprentissage peuvent apparaître. Nous les avons regroupés en fonction du réflexe primordial respectif :
Un réflexe de Moro non intégré peut entraîner :
- comportement colérique,
- problèmes de digestion,
- système immunitaire faible,
- difficultés à accepter le changement,
- hypersensibilité aux stimulations sensorielles.
Un réflexe spinal de Galant non intégré peut entraîner :
- manque d’endurance,
- pipi au lit,
- scoliose, problèmes aux hanches.
Un réflexe tonique du labyrinthe non intégré peut entraîner :
- équilibre et coordination faibles,
- mauvaise posture,
- faible musculature,
- fatigue chronique,
- difficultés à apprécier la distance, la vitesse,
- mouvements saccadés.
D’autres réflexes primitifs non intégrés peuvent engendrer :
- difficultés à lire, écrire, voir,
- dyslexie,
- problèmes de raisonnement, en mathématiques,
- difficultés à choisir la main à utiliser,
- problèmes de confiance en soi,
- etc.
Comment intégrer ces réflexes primitifs à l’âge adulte ?
Comme nous avons pu le voir, la non-intégration des réflexes primordiaux peut s’avérer problématique. En raison de la neuroplasticité de notre cerveau, il est toutefois possible de les intégrer grâce à des exercices et pratiques adaptés.
Nous pouvons citer deux approches principales :
L’Intégration Motrice Primordiale
Cette approche commence par un bilan complet sur les réflexes et leurs interactions physiques, posturales, émotionnelles et cognitives. Fruit de dizaines d’années de pratique, l’IMP permet de traiter toutes les populations.
Le Rhythmic Movement Training (RMT)
Le RMT a été expérimenté en Suède dans les années 80, puis en Australie. Les mouvements effectués reproduisent les séquences de réflexes rythmiques spontanés du bébé. La connexion neuronale primitive se rétablit progressivement, facilitant l’intégration, même tardive, du réflexe primordial qui finit par disparaître, les troubles avec lui.
Articles base
https://www.reflexes.org/ce-que-sont-les-reflexes-primordiaux/
https://www.envoludia.org/entraide/lapproche-reflexes-archaiques-troubles-dapprentissage/
https://naitreetgrandir.com/fr/etape/0_12_mois/developpement/fiche.aspx?doc=reflexes-nouveau-ne
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