Quand le perfectionnisme  peut vous conduire au burn-out.

1 mars 2022
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Auteur: Blog iepra

Vous êtes précis et exigeant dans tout ce que vous faites, le perfectionnisme fait partie de votre métier ou de votre façon d’accompagner les autres – mais il induit des implications négatives qui, si elles ne sont pas correctement appréhendées, peuvent nuire non seulement à vos résultats, mais à votre équilibre, jusqu’au burn-out. Comment prévenir et répondre concrètement à ce risque majeur, jusqu’alors mal cerné scientifiquement ?

Les implications du perfectionnisme

Être constamment « au top » de votre métier est une intention louable et un véritable défi. Vouloir atteindre et maintenir la perfection est néanmoins un effort soutenu qui nécessite de votre part d’importantes ressources mentales et émotionnelles.

Les exigences du perfectionnisme choisi ou subi sont élevées. Ainsi est-il possible d’expérimenter différentes situations inconfortables :

  • procrastination : comme il est difficile d’atteindre la perfection, autant attendre demain pour y arriver ;
  • difficulté à la prise de décision en raison du fait que toutes les options semblent inopportunes ;
  • abandon ou évitement de situations perçues comme étant trop risquées ;
  • lenteur d’élocution ou de lecture due au fait de vouloir s’assurer que rien n’est omis dans un dossier.

Ces situations indésirables peuvent encore être gérables dans la mesure où des mécanismes d’évacuation du stress sont mis en place. Il est nécessaire de prendre du recul et d’évacuer la pression mentale trop élevée que, peut-être, vous vous imposez pour satisfaire votre besoin (élevé) de donner le meilleur de vous.

Mais que se passe-t-il si le perfectionnisme devient carrément obsessionnel ? Si la volonté d’atteindre la perfection atteint des sommets ?

Un lien insidieux entre perfectionnisme autocritique et burn-out

En outre, maintenir un tel niveau qualitatif dans la pratique professionnelle nécessite la mise en place de tout un système de contrôle. Que ce soit sur l’attitude ou la pratique, la personne perfectionniste passe tout au crible. Cette manie peut engendrer :

  • une paralysie émotionnelle : impossibilité de ressentir quoi que ce soit ;
  • un sentiment écrasant d’impuissance ;
  • l’impression que toutes les tâches à accomplir manquent de sens ;
  • une baisse catastrophique de la motivation, voire du désespoir ;
  • une estime de soi en berne ;
  • de la souffrance causée par le manque de reconnaissance.

On voit donc comment les situations pénibles et le système d’autocontrôle liés au perfectionnisme peuvent finir par générer des conditions propices à l’apparition d’un stress important. À vouloir fournir « le meilleur », on en oublie qu’il est également l’ennemi du « bien ».

D’autant que les conditions mêmes de ce qui semble « parfait » évoluent au cours du temps. Les tâches, les attentes, les collègues, les clients changent. Votre propre expérience – qui augmente – influe sur votre perception de vos habitudes et de votre travail ou vos interventions. Ne fallait-il pas faire autrement ? Ne vous êtes-vous pas trompé.e dans tel ou tel cas ?

L’anxiété générée peut donc aboutir, tout naturellement, à un épuisement émotionnel. Autrement dit, à un burn-out. Et là, tout l’édifice « parfait » s’écroule. Vous perdez pied. En vous effondrant, vous « lâchez » vos collègues, vos supérieurs, vos clients…. Vous concrétisez ce que vous fuyez de toutes vos forces : l’angoisse viscérale d’abandonner les autres.

Que faire alors pour éviter une telle situation extrême ?

Comment gérer le stress du perfectionnisme et (re)trouver l’équilibre

Face à ces différents aspects néfastes d’une attitude professionnelle perfectionniste parfois autocritique, il est possible de prendre de saines habitudes pour éviter une telle situation. Que ce soit pour prévenir ou sortir d’un burn-out, de bonnes stratégies peuvent être :

  • trouver le juste équilibre : quitter une situation professionnelle trop chaotique ou savoir refuser des projets qui sont trop sollicitants, savoir partir du cabinet à des heures raisonnables ;
  • socialiser : développer des relations avec des personnes qui vous inspirent et vous calment ;
  • prendre soin de votre corps : faire de l’exercice physique, se nourrir d’aliments sains et complets, s’accorder des moments de repos et de bien-être ;
  • nourrir votre créativité : écrire un journal, peindre, faire de la musique, de la cuisine, entretenir votre jardin, danser, sculpter, etc. ;
  • consulter un.e thérapeute : eh oui ! Un accompagnement compétent vas vous aider dès les débuts de cet épuisement ou à toutes étape du burn-out que vous puissiez vivre, à retrouver un meilleur équilibre entre vos attentes, vos ressources et capacités en terme de temps, de nombre de choses à gérer, et cela vous permettra de mettre la juste mesures au nombre de tâches et responsabilités qui sont placées sur vos épaules ou que vous vous êtes imposé vous même.
  • Tester et pratique les nombreux outils à votre disposition : de la psychologie énergétique (EFT, SEB, Remap pour ne nommer quelques uns), la cohérence cardiaque, les pratiques de respiration, yoga, taichi, qigong, aikido qui aident à se reconnecter à soi et nos besoin fondamentales, la méditation comme la pleine conscience du coeur, l’autohypnose etc.
  • L’idée de base consiste à réussir à vous considérer comme étant un « simple » humain. Si vous avez, malgré tout, des tendances au perfectionnisme et à l’autocritique, tentez d’autres tactiques proactives :
  • gérez votre temps : évitez la procrastination et l’engloutissement sous les tâches. Vous pouvez suivre vos tâches et vous fixer un quota d’heures à ne pas dépasser pour les accomplir ;
  • faites des compromis : établissez des niveaux de tolérance plus larges en ce qui concerne ce qui constitue pour vous la « perfection ». Il ne s’agit pas de baisser vos standards, mais de devenir plus réaliste ;
  • changez de perspective : prenez de la hauteur et considérez l’ensemble de votre activité. Ce n’est pas en restant toujours « la tête dans le guidon » que vous verrez la dynamique de la longue « course à vélo » que vous menez pour vos projets ;
  • exprimez-vous : faites savoir, y compris à vos collègues, vos supérieurs ou vos clients, que vous êtes en état de fatigue et que vous devez récupérer ;
  • reposez-vous régulièrement : pour reprendre la comparaison avec la course à vélo, sachez que pour gagner le tour de France, il faut savoir bien se reposer entre les étapes. Apprenez à vous ménager : siestes, sorties, prenez soin de vous !

 

Les professionnels de l’accompagnement peuvent-ils succomber au perfectionnisme également ?

 

Aider les autres, un choix crucial

Votre pratique de thérapie et/ou d’accompagnement est particulièrement importante pour vous, et c’est bien normal. Soulager les innombrables souffrances, aider les personnes qui viennent vous consulter à dépasser un moment particulièrement difficile, faire face à une maladie ou à l’adversité, c’est votre engagement professionnel. Mais c’est bien plus que cela, n’est-ce pas ?

En effet, travailler avec la « matière humaine », avec des femmes et des hommes qui ont une histoire et des ressentis qui leur sont propres nécessite une implication qui va au-delà de la simple analyse ou de l’application d’une technique de soins. Avec ces clients ou ces patients, il ne s’agit pas de déceler un dysfonctionnement, de détecter une « panne » pour ensuite « changer la pièce défectueuse ». Votre mission est bien plus profonde. Elle suppose des implications bien plus vastes, car elles agissent sur la psyché de ces personnes, sur leurs interactions avec leur entourage, leur estime de soi.

Appréhender correctement la ou les personnes qui vous font face, c’est les écouter, leur parler avec empathie pour bien comprendre leur problématique, leur ressenti, leur passé, leur projection de l’avenir.

Décider d’un traitement pour tel ou tel client ou patient, c’est aligner vos connaissances théoriques et pratiques, votre expérience professionnelle – votre instinct parfois – avec ce que vous estimez être le futur le plus bénéfique pour elle ou lui. Cela nécessite de la patience, de l’écoute, du professionnalisme, et du temps qui parfois vous manque cruellement, non ?

Mais aussi, il vous faut ajouter un sentiment humain (bien) plus important.

La compassion : sentiment humain et outil thérapeutique

Être professionnel.le de l’accompagnement nécessite donc des connaissances, de la pratique, de l’expérience, mais également une forte inclination à l’altruisme, à ce que l’on appelle « l’humanité », autrement dit, la « disposition à la compréhension, à la compassion envers ses semblables, qui porte à aider ceux qui en ont besoin ».

Nous l’avons vu, c’est ce qui caractérise votre engagement professionnel. Toutefois, si l’humanité est une disposition à aider les autres, encore faut-il passer à l’action. Et cela, c’est votre métier ! En effet, les personnes qui viennent vous consulter attendent de vous des décisions, un traitement, une voie de sortie de leur souffrance. L’humanité ne suffit donc pas. Du tout.

En conséquence, vous êtes en quelque sorte dans l’obligation morale d’agir et d’aller plus loin, de recourir à ce sentiment humain tout à fait louable que l’on nomme la compassion. Elle est définie comme étant « le désir de libérer les autres de leur douleur et de leur souffrance ». Certains l’assimilent – à tort – à la pitié. Or la pitié induit un sentiment de supériorité de celui ou celle qui la ressent par rapport à la personne qui en est l’objet. À l’inverse, lorsque vous ressentez de la compassion, vous vous mettez à la place de la personne qui souffre, tentez de comprendre les tenants et aboutissants de sa douleur et y apportez ce qui vous semble être le meilleur soulagement dans l’immédiat, et un traitement plus long pour l’avenir.

Même s’il n’est pas possible de la visualiser ou de la quantifier scientifiquement, la compassion constitue véritablement une « source d’énergie » qui vous aide à faire face aux nécessités de votre métier d’accompagnant. Elle vous permet d’entrer rapidement en résonance avec les gens. Elle constitue en cela un véritable « outil thérapeutique ».

Comme tout outil, il faut savoir s’en servir en pleine conscience, en respectant les « précautions d’usage ». Sinon on peut se blesser.

L’envie de donner le meilleur de soi-même aux autres

Nous voyons ainsi comme la compassion vous inspire, vous « booste » lorsque le cas qui se présente à vous est difficile, que le traitement ne donne pas encore les effets escomptés ou lorsque votre fatigue physique vous accable. Car évidemment, les professionnels de l’accompagnement ne sont pas immunes aux vicissitudes de la vie, au surmenage, à la surcharge de travail. Et notamment la surcharge mentale.

L’envie de soulager les souffrances des autres peut naturellement se coupler à une autre ambition : celle de leur donner le meilleur de vous-même en tant que thérapeute. En effet, ces personnes qui viennent vous consulter, qui vous confient leur santé et leurs espoirs, n’ont-elles pas légitimement droit au maximum de vos capacités et pas à votre régime « normal » ? N’êtes-vous pas, encore une fois, obligé.e de mobiliser vos ressources physiques et intellectuelles au plus haut niveau ?

Certes, il existe des cas où la problématique et le traitement à suivre sont relativement simples et ne nécessitent pas de votre part des efforts inconsidérés et déraisonnables. Cela dit, comme vous prenez à cœur votre mission et votre réponse aux besoins et aux souffrances qui s’exposent à vos soins, il est pratiquement impossible que vous soyez indifférent.e aux cas que vous traitez. Cette envie de donner le meilleur aux autres vous affecte, même subtilement, même à doses infinitésimales. Les effets de cette accumulation mentale au cours du temps finiront bien par se manifester.

A fortiori si votre pratique professionnelle s’étale sur plusieurs années, l’envie de donner pratiquement à chaque fois le meilleur peut vous nuire. Et donc porter préjudice à votre pratique, à vos clients et patients.

 

Une étude sur le perfectionnisme et la compassion chez les professionnels de l’accompagnement

Une récente étude scientifique menée aux États-Unis s’est justement penchée sur l’incidence du perfectionnisme et de la compassion sur les professionnels de la thérapie familiale et de couple. En effet, si de nombreuses études empiriques qui ont eu lieu durant les vingt dernières années avaient bien mis en évidence une corrélation entre perfectionnisme, compassion, et certains troubles dans la pratique des thérapeutes spécialistes de l’accompagnement, aucune n’avait réussi à définir scientifiquement les tenants et aboutissants de cette problématique spécifique.

L’un des mérites de cette étude est de poser des définitions claires sur les sentiments éprouvés qui peuvent être interprétés subjectivement et donc constituer des sujets à contestation.

Satisfaction compassionnelle

Il s’agit du « sentiment de plaisir ou d’épanouissement qui découle de son travail en tant qu’aidant et comprend la variété de résultats gratifiants qui résultent du fait de servir et d’aider les autres ». En effet, un thérapeute en accompagnement ressent la joie et la satisfaction de libérer ses patients/clients d’une situation de souffrance.

Fatigue compassionnelle

Ce terme « décrit l’épuisement mental, physique et émotionnel profond qui peut provenir d’une interaction directe avec d’autres personnes qui ont vécu ou vivent une douleur émotionnelle, une blessure physique ou un traumatisme ». Il est important de noter que « la fatigue compassionnelle se développe généralement sur une longue période, car les exigences émotionnelles cumulatives du travail l’emportent sur les ressources émotionnelles du thérapeute ». Ainsi cette fatigue spécifique finit-elle par affecter l’efficacité du professionnel en accompagnement.

Stress traumatique secondaire

En plus de la fatigue, d’autres effets traumatiques secondaires peuvent se produire : « en raison de la réponse empathique du thérapeute au traumatisme d’un client et/ou à l’exposition indirecte au traumatisme, les thérapeutes peuvent ressentir des symptômes émotionnels, cognitifs et physiques négatifs ».

Déroulé de l’étude

La recherche a concerné 247 thérapeutes familiaux et de couple répartis dans 42 États des USA. La majorité était des femmes. Un questionnaire détaillé leur a été transmis afin d’établir objectivement leurs expériences en matière de compassion et de burn-out, et notamment « l’échelle de la qualité de vie professionnelle » (ProQOL). En anglais, le ProQOL comporte une trentaine de questions qui mesurent la satisfaction et la fatigue compassionnelles.

Pour ce qui est de mesurer le niveau de perfectionnisme, les participants ont renseigné « l’échelle de perfectionnisme multidimensionnel ». Celle-ci consiste en un questionnaire de 45 items déterminant trois dimensions du perfectionnisme : autocentré, altruiste, et socialement prescrit.

Résultats de l’étude statistique

Conformément à l’hypothèse de départ, le perfectionnisme autocentré et le perfectionnisme axé sur la société se sont avérés positivement liés à l’épuisement professionnel et au stress traumatique secondaire. Ces résultats sont similaires à d’autres recherches portant sur le perfectionnisme par rapport aux professionnels de la santé mentale. Des études ont montré que les psychologues cliniciens, les conseillers scolaires et les conseillers professionnels qui approuvent des niveaux plus élevés de perfectionnisme dans leur activité sont plus susceptibles de subir un burn-out.

Il a été également constaté que la satisfaction compassionnelle est inversement liée au perfectionnisme socialement prescrit pour les thérapeutes conjugaux et familiaux. En outre, les années de pratique en tant que thérapeute de couple ont une relation inverse avec le niveau d’épuisement professionnel.

Enfin, l’étude a révélé que les femmes affichaient des scores statistiquement significativement plus élevés dans le perfectionnisme orienté vers soi que leurs confrères hommes, mais pas dans les scores de perfectionnisme orienté vers les autres ou de perfectionnisme socialement prescrit.

Conclusions de l’étude scientifique

Premièrement, le perfectionnisme autocentré et le perfectionnisme axé sur la société sont corrélés à l’épuisement professionnel et au stress traumatique secondaire.

Deuxièmement, lorsque les professionnel.les en accompagnement peuvent voir les avantages de leur activité, ils et elles sont moins susceptibles de se soumettre à la pression perfectionniste perçue d’eux-mêmes ou des autres.

Troisièmement, le temps est également un facteur déterminant : plus les thérapeutes ont d’expérience dans leur pratique professionnelle, moins ils sont susceptibles de souffrir de burn-out.

Enfin, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de se fixer des normes perfectionnistes, ce qui peut augmenter le risque chez elles de ressentir des symptômes de fatigue compassionnelle.

Conclusion

Exercer en tant que profesionnel.le dans l’accompagnement est une activité noble. Elle nécessite de faire appel aux sentiments profonds d’humanité, et également de recourir à la compassion comme source d’énergie, d’inspiration et comme outil thérapeutique.

En ce sens, l’envie de donner le meilleur de soi-même à celles et ceux qui nous confient leurs besoins et leur santé est légitime. Si une certaine tendance au perfectionnisme est donc compréhensible, il ne faut pas s’y tromper : la perfection n’existe pas et vouloir atteindre de telles chimères en maintenant des standards de qualité trop élevés et un autocontrôle hypertrophié est épuisant émotionnellement.

Le perfectionnisme autocritique peut conduire au burn-out.

C’est pourquoi il faut prendre des mesures proactives afin que vous puissiez, le plus longtemps possible, offrir le meilleur de vous-même aux autres et accepter vos propres limites, votre propre humanité. N’est-ce pas le sens ultime de votre mission ?

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